" Le deviseur du monde "
Nouvelle de Chantal
Robillard
mise en page Jean-Antoine Scarpa
Longtemps après, une carte postale énigmatique, graisseuse, écornée, tamponnée de partout, arriva avec le facteur. De sa ville sur l’eau, qui semblait exister vraiment, sans s’expliquer sur son départ ni son absence, notre Berto, impérial, réclamait sa Rosette. Et il donnait une adresse… poste restante ! Un oncle prit le train, avec mission de le ramener coûte que coûte. Mais il fit chou blanc, ne le trouva pas. |
. Il s’était perdu dans des rues, des ruelles, des culs-de-sac menant sur de l’eau, un vrai labyrinthe, ronchonnait-il. Et de la flotte partout dans des canaux, et non, pas un seul champ, mais des campi, des campielli, des pizzas et deux piazzas, et puis toute cette eau, là, qui coulait, sale et salée, mais tout droit et bien sage, entre des murs de brique, oh rarement de marbre, ou alors juste en plaqué sur la brique, malins ces Phénitiens (n’avait-il pas dit Vé ?), et sous des étalages de linge, qui claquaient aux vents coulis. Aussi rectilignes que les rails du chemin de fer, ces canaux ! Encore heureux qu’il n’ait pas poussé le ridicule jusqu’à voyager la barque sur le dos, ou dans le fourgon à bagages du train, nous chantait l’oncle, qui s’en rongeait les ongles rien que d’y repenser. |