" Le deviseur du monde "

Nouvelle de Chantal Robillard
mise en page Jean-Antoine Scarpa

Et nos rêves d’enfants se peuplaient désormais de lions évaporés rougissant sous le tintamarre tintoré de vapeurs d’eau, qui brouillassaient devant les palais-baigneurs et saluaient au passage le phénix de ces champs. Hou, petsaïre, comme on dit par chez nous.

Parfois, le pépé Berto soupirait qu’il aurait aimé reposer là-bas, dans «sa» ville. Reposer quoi ? demandait un enfant. Reposer tout court, bougre de petit crétin ! Et nous de l’imaginer en train de poser sur l’eau, ou même jeter à l’eau, tout ce qui était court, ou tout ce qui courait sur ces champs élyséens, pourquoi pas ces lions timides qui avaient leurs vapeurs, qu’il estourbissait pour les faire cuire à la marmite… La tête nous en tournait. Sacré vieux menteur de Pépé à la noix de coco !

De ses longs parcours au gré des mers, il avait rapporté et posé dans le jardin une sorte de kayak en polystyrène, qu’il s’obstinait à appeler barque. Il disait l’avoir reçue, sa barque, des Indiens d’Alaska, ceux qui vivent dans la toundra au milieu des églises russes en bois, non mais là, des Indiens russes et des églises en bois, c’est tout de même inouï !, en échange de la recette de la marmite norvégienne, qu’il prétendait in-dis-pen-sable au pied des icebergs,
 - prononcés hisse-bergue.

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