I merletti di Cenerentola
Chantal Robillard
La jeune fille, que nous appellerons désormais Cenerentola, puisque tous la nomment ainsi, continue son chemin à travers les rues et ruelles, les ponts, les passerelles, les places et placettes. Elle arrive dans une rue étroite et mal pavée, non loin de la Scala del bovolo, où le seul magasin est situé juste en face d’un musée à l’entrée plutôt miteuse, alors que sa façade sur le Canal Grande est une merveille d’architecture et d’ornement, une véritable dentelle en pierre blanche et garance. |
Venise ornée, sur ses
canaux nervurée.
Venise miroir à ses maisons marmoréennes, ca’ cuivrées ou ocres, sienne, crème,
carmin.
Mais mornes rues en arrière-cour, en arrière-cuisine, même en saison.
Ici, la Cenerentola est bien accueillie. Trop bien, même. Le commerçant est très entreprenant. C’est elle qui évite les conversations, répond précipitamment, n’entre que le temps minimum de la transaction, sursaute sous la main lestement glissée tout le long du dos, de haut en bas, lorsqu’elle repart. Pouah, le cochon ! L’ancien sabotier, reconverti à la mort de sa femme dans la vente de masques vénitiens parés de dentelles au point de Venise, a un rictus mauvais et un clin d’œil lubrique. |
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Un jour, toi, je t’aurai, la gueuse. On n’a pas idée d’être aussi affriolante. Et ces cotons qui moulent, qui dévoilent des formes qu’on aimerait bien habiller uniquement de dentelles transparentes, de satin brillant, de soieries… Regardez-moi ces jeunettes, qui frétillent, vous font la fine bouche, et rêvent du prince Charmant. Porca miseria, c’est bien nous qui les marions ensuite, qu’elles le veuillent ou non, les garces ! Et hop, en cuisine, après, non mais ! Il commence à faire chaud, les premiers essaims de moustiques font leur apparition aux alentours des ponts et des quais. La Cenerentola fait encore deux magasins, en suivant la longue boucle en spirale qu’elle parcourt tous les matins dans la ville, pour éviter d’avoir à prendre le bac, -qui coûte trop cher et fait perdre du temps-, ou le vaporetto surchargé. Elle se rend maintenant dans des quartiers moins riches, moins fréquentés par les hordes voyageuses, dans des boutiques de couturières, où de petites mains vont transformer les entre-deux qu’elle leur tend, pour les revendre ensuite au marché, ou dans ces kiosques sur les quais proches de la place Saint Marc, près des embarcadères pour les îles. |
Au noir. Mais en or, en soieries rares, en verreries irisées, en miroirs ornés, nous, vacanciers, rêvons Venise. Un univers mimé, un miroir, oui, mais à nos envies. Mamma mia !
Retour à suivre lundi prochain ...