I merletti di Cenerentola
Chantal Robillard
La petite livreuse s’arrête devant un
magasin qui vient tout juste d’ouvrir. La marchande est en train de
nettoyer devant sa porte à grande eau. La petite tend son panier, soulève le tissu vert à petites fleurs qui le recouvre. Les dentelles blanches, beiges, bises ou noires apparaissent. La dame les examine, fait la moue pour ne pas avoir l’air de les trouver trop belles, discute un peu le prix, pourtant fixé d’avance, en prend quelques-unes ; les jette négligemment sur le comptoir, grommelle un « via, via ! » agressif, puis retourne vite nettoyer son pas-de-porte avant l’ouverture au public. La jeune fille n’a pas eu un frémissement. Pourtant, elle est à chaque fois ulcérée par cette attitude. Elle sait que la matrone revendra bien cher les dentelles qu’elle a si longuement travaillées à l’aiguille avec ses deux demi-sœurs. Après les avoir fait ajuster au col ou aux poignets des robes et des chemisiers qu’elle vend à longueur d’année aux touristes, sous d’apocryphes signatures du prêt-à-porter italien.
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A Venise on se sauve
comme on a envie, on essuie ses insuccès, on rame.
Vivre à Venise sans en rassir ?