I merletti di Cenerentola
Chantal Robillard
Elle lui reparle de sa mère. Elle sait juste qu’elle était très belle, on lui a dit qu’elle lui ressemblait beaucoup. C’était une princesse romaine, oui, une vraie, enfin noblesse d’empire français, oui, de Rome, oui, les guerres napoléoniennes. Et son père, enfin celui qui l’a élevée, s’est tant langui d’elle après sa mort, et aussi il s’est tant rongé de ne pas savoir, son ton baisse et elle finit en murmurant, de ne pas savoir avec qui sa femme avait fugué un jour à Venise… Elle aussi en a souffert, ses yeux se mouillent. - Ah, murmure le marin, d’un ton rêveur. Ma pauvre enfant. Elle regrette de ne pas savoir d’où elle vient, elle n’a connu ni son père biologique, ni sa mère, a peu de souvenirs de son père, - enfin du mari de sa mère. Elle pense qu’il est mort de chagrin. Il ne s’occupait jamais d’elle. Sa belle-mère et les deux filles qu’elle a eues d’un premier lit, ont dilapidé son héritage en quelques années et l’ont mise au travail dans leur mercerie dès seize ans. Alors qu’elle aurait tant voulu faire des études d’histoire de l’art, pour mieux protéger le patrimoine vénitien. Elle se voyait conservateur de musée ou galeriste. Sa mère était dans les antiquités, d’ailleurs, elle a oublié de le lui dire, elle travaillait pour les Anglo-saxons, pour Sotheby’s. Le marin sourit encore plus tristement et la regarde avec une infinie compassion. - Ah, ma pauvre enfant, répète-t-il très ému. Peut-être aurez-vous un jour des nouvelles de votre vrai papa, peut-être recherche-t-il encore votre mère ? Il devait sûrement beaucoup l’aimer, oui beaucoup, ajoute-t-il comme pour lui-même. Mais le micro annonce soudain que le ferry accoste à Burano. Elle sursaute : déjà arrivée ? A terre, Ramiro lui fait des grands gestes impatients, l’air furieux, en tapant sur sa montre. Elle se précipite, toute déboussolée. |