Le Campiello perdu
Nouvelle d'Albert Valée
chapitre 6
Rien qu’à son regard j’ai compris qu’on pouvait se
dispenser de consulter le dico italiano-francese qui devait traîner chez lui.
Nous avons quitté la place par un chemin opposé à la direction que les ménagères
m’avaient indiqué pour rejoindre " Santa Crotché " mais
que pouvais-je dire ?
Le gosse, lui, il n’arrêtait pas une seconde :
- San Silvestro, Signoré !… riva del vin ! Rialto, Signoré - merci
bien, j’avais déjà vu ! - herbéria, signoré… Tribounalé e Pescaria…
- Oui mais, Santa Croce ?
- Si Signoré, là !
Et quelque soit l’angle que nous formions avec le soleil,
il me montrait toujours droit devant lui.
Je commençais à comprendre pourquoi Pépin le Bref s’en était retourné
complètement dégoûté de sa balade en Vénétie ! Il avait dû demander
la route à ce gosse !
L’espérance dans un état encore plus sec que ne l’était celui de mon
gosier, je le suivais donc sans plus réagir lorsqu’il m’a dit :
- Sotoportégo, Signoré ! a sinistra… encora sinistra… il campiello,
Signoré !
Devant moi, la carte postale en trois dimensions. Le petit
puits, là, au centre… et cet escalier qui monte là, à ma droite… |