Le Campiello perdu

Nouvelle d'Albert Valée

chapitre 7

Non mais des fois ! J’en ai marre de me faire arnaquer par tout ce qui a deux pattes dans cette ville.
Faudrait voir à pas me prendre pour Mister Cash quoi !
Et puis, vu sa taille… qu’est-ce que je risque ? Les murs de la placette ont répercuté longtemps ce qui devait être des imprécations.
M’en fous ! Comprends quand même pas !

           Voilà donc comment on se retrouve devant trois portes qui ne savent que dire No ! et une petite vieille qui ne pige que dal.
Elle doit être là, c’est forcé… y’a plus d’autre porte, alors je me mets à gueuler son nom dans le couloir :
- Sandrine ! C’est moi ! Sandrine ! Je suis là, c’est moi ! Sandrine !… répond quoi !

à la place de Sandrine, c’est une autre petite dame voûtée qui rapplique. Un peu moins ratatinée que la première, elle me demande :
- Si… heu, oui… Signoré ?
- Je cherche Sandrine, elle a loué un duplex ici ! Regardez, c’est écrit là, sur la carte !

- Pas Sandrine ici, Signoré… Solo mia sorella e io… seule Chiara - et elle me montre l’encore plus vieille qu’elle - e me… heu… moi ?
- Mais c’est pas possible !
- Ma si ! Pas Sandrine ici !

Je lui donne la carte qu’elle tourne et retourne et tout à coup son visage s’éclaire.

Elle se met à rire, ce qui ne l’arrange guère puis elle montre quelque chose d’indiqué sur la carte à sa frangine.

Les voilà parties toutes les deux dans des explications entrecoupées de rires et de grandes claques sur les cuisses.
- Signoré ! Oggi… heu… jourd’hui… Quattordici agosto due mila due !… si ?
- Attendez que je traduise… ben oui ! On est bien le quatorze août deux mille deux ! Pourquoi !
- Signoré ! Guardi… heu… voir là !

Et elle m’indique le cachet de la poste.
" Venezia : 19 - 07 - 2001 "
Purée ! Qu’est-ce qu’y a dû avoir comme grève dans les postes ! Un an qu’elle a mis cette carte pour me parvenir !
Au travers de la porte, j’entendais encore le rire des deux vieilles.
Et comment je fais moi, pour retrouver la gare maintenant ?
- Hé ! Michaèèèllllé ! T’es encore là ?

Albert Valée
Lamain, le 30 janvier 2004

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