Une gentillesse quoi venant d’un peintre en bâtiment.
Comme ça faisait trois jours que j’arrivais à la chambrer en dernier, elle
m’a bousculé en passant dans le salon.
En chutant, j’ai défoncé la vitrine à vaisselles et aplati l’affreuse
soupière que sa mère nous avait offert.
Qu’est-ce qu’on a rit ! De vrais mômes.
C’était le 29... c’est bien ça, le 29 juin ; vous pensez si je m’en
souviens, c’était un vendredi, le jour où je vais me bourrer la tronche avec
les potes.
Ben ouais quoi ! J’suis un homme ! Je bosse toute la semaine, j’ai
bien le droit de m’amuser le vendredi soir !
Donc, j’allais partir lorsqu’elle a quand même trouvé une vacherie pas
piquée des vers. Une du style : " tu vas encore te cuiter pour
venir tout dégueulasser après ? Espèce de saloperie d’ivrogne ! "
Qu’est-ce que vous voulez que je réponde à ça ?
C’était vraiment LA vanne qui tue !
Et puis, j’avais pas vraiment le temps de chercher là ! Les potes
m’attendaient.
Alors, pour pas rester sans rien dire comme le premier des ballots venu, je lui
ai filé une beigne.
Ouais ! Je riais encore en arrivant au bistro.
Super sa vanne !
C’est
le lendemain, lorsque j’ai émergé que je me suis rendu compte qu’elle s’était
tirée en emportant toutes ses affaires. Quand j’y pense, je ne me souviens même
plus si elle était encore là lorsque je suis rentré.
- Amnésie temporaire ! Pas grave ! - qui dit toujours mon pote Steeve,
quand il arrive encore à parler.
La vache de Sandrine ! C’est pas parce qu’elle ne trouvait plus de
vannes à me débiter tous les soirs qu’elle devait partir…
j’aurais compris quoi. On aurait changé de jeux. Une petite bousculade
par-ci, une petite beigne par-là, on aurait continué à s’amuser.
C’est vrai quoi !
J’suis pas plus con qu’un autre... j’aurais pu comprendre qu’elle était
parfois à court d’imagination.
Fallait pas qu’elle se sauve honteusement pour si peu !
À bien vous regarder, je
crois que ça ne doit pas vous intéresser, mon histoire ! Si si ! Je
le vois bien.
Je vous disais donc que là, sur le parvis de la gare, j’avais déplié ma
carte de Venise, puis aussi sec, je lui avais fait reprendre ses plis originaux
avant de la replacer dans ma valise.
En l’y laissant depuis le début, j’aurais au moins évité de disperser mon
influx nerveux.
C’est mon psy qui me disait cela à chaque fin de séance : " vous
devez concentrer votre influx nerveux vers le but à atteindre ! ça nous
fera cinquante-trois euros ! "
Vous voyez, lui… il savait très bien comment le concentrer son influx.
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