Énigmes de Stef*           Le Tableau           Mise en page Jas

L’envoûtante enfilade des peupliers me ramène au tout début de cette histoire.

 Blaison-Gohier, juillet 2012.

Ma fille Camille s’était rendue dans le Saumurois pour fêter quelque peu en avance les cent et trois ans de notre tante Berthe*. Comme bien souvent en pareille occasion, tante Berthe invite ses hôtes au bas du tourmenté escalier de pierre bleue et entrouvre la porte de l’atelier.

Une dizaine de presses typographiques reposent sous de larges bâches. Avec l’aide de Camille, tante Berthe en souleva une. Elle assembla plusieurs caractères de plomb, les enduit d’encre noir et les coucha sur une feuille de papier de chanvre aussi épaisse que du carton:

Au soir de votre vie, vous serez jugés sur l’amour.

Elles passèrent ensuite dans le salon voisin. Une table massive en chêne, une majestueuse Vierge en châtaignier et un monumental bahut en robinier ornementent la pièce au plafond bas.

Tante Berthe sortit un foisonnant trousseau de clés. La grande armoire serre des dizaines et des dizaines de livres à la peausserie précieuses.

-Voici, mon poussin, le travail de toute une vie. Un exemplaire de presque chacun des ouvrages nés sur nos presses. Dans les fardes de l’étage supérieur, la correspondance avec de nombreux poètes et illustres personnages de mon époque.

Tiens, celle-ci, par exemple, mon poussin. Elle contient une lettre de félicitation du Président de la République, le Général de Gaulle.

Camille fouilla la fine chemise et en sortit un ensemble de feuillets.

-Oh, tante Berthe! Il y a également un pli écrit en flamand.

-En flamand ? Nom d’une pipe ! Je l’avais oublié. Il s’agit des dernières volontés d’un soldat belge. Le Général les avait reçues lors de son séjour à Londres avec bien d’autres similaires. Il me les a remises pensant que je pourrais les traduire. Malheureusement, la langue de Vondel et moi, cela fait deux ! Mais toi qui maîtrises le flamand, ces lignes ne devraient pas te résister.

-Cette lettre devrait intéresser mon père.

-Ton père ?

-Pour sûr ! Il y est fait mention à plusieurs reprises de …Venise.

-De Venise !?! Dans ce cas, donne-la lui, mon poussin.

Lui et sa Venise ! Mon petit doigt me dit qu’il ne tardera pas à la partager avec les illustres membres du non moins illustre Campiello !

... Suite :

* ( http://www.campiello-venise.com/rallye-2012/accueil_prologue.htm )