La malédiction du Carmagnole
Venise, Piazzetta, 05 mai 1432.
Un brouillard hirsute
moletonne les degrés du patibolo que la nuit a dressé à la diable
entre Marc et Théodore.
Toute la nuit, la rumeur,
comme le lait sur le feu, n'a cessé de baver, bouillonner, déborder sur
l'ensemble des sestiere: la Sérénissime va désavouer l'un de ses
fils. Pas n'importe lequel à ce qu'il se parle bas ! Inquiétant également le silence de la maleficio.
Fébrile la soldatesque en
rangs serrés qui assure le couloir du condamné entre le palazzo Ducale
et les antiques colonnes. L'homme que l'on brusque aux bois de justice a les mains étroitement liées dans le haut du dos. Le visage est tordu par un bâillon beaucoup trop serré. Les membres inférieurs calcinés, il peine pour parcourir les derniers mètres. -Le Carmagnole ! crie un des spectateurs du premier rang. Et le nom du célèbre Condottiere de serpenter la masse des badauds. - C'était donc bien vrai, souffle une femme hébétée.
Tout va alors très vite.
Trop vite. La foule muselée par le silence de la maleficio, le mutisme des autorités et la précipitation de l'exécution se liquéfie en un instant. |