L'ombre de Venise
Nouvelle d'Albert(o)
Suite 3
Mon ombre est bien là à m'attendre au pied du campanile. Autour d'elle, un espace anormalement important s'est créé alors que le reste de la foule s'agglutine, compacte et bruyante, dans l'attente de l'ascenseur qui la portera, sinon aux nues, tout au moins au point culminant de la ville. Alors
que j'hésite à m'approcher, le bonhomme me fait de grands signes et du
coup, tout le monde se retourne vers moi... je n'ai plus le choix. |
que
je tiens à la main - tu ne veux pas à avoir les tympans perforés par
ces satanées cloches ? L'attente est longue, l'ascenseur trop lent, trop rempli, mais le spectacle de Venise vaut ces quelques désagréments. Que pourrait-il me montrer que je n'aie déjà vu jusqu'à l'ennui ? |
La piazza et ses terrasses à gogos ? Cette ascension, je l'ai déjà effectuée maintes fois; les toits rouges, les campaniles, les coupoles et par-delà, la lagune et les îles n'ont plus de secret pour moi. J'ai massacré des kilomètres de pellicules à vouloir immortaliser cet endroit. |
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- Alors
? Et ici, tu comprends mieux maintenant ? - me dit-il. |
J'ai rempli
disques durs et autres supports, de représentations numériques plus ou
moins réussies, peu ou prou originales. Jamais cette beauté n'a
engendré en moi cette envie de marginalité qui semble parfaitement
convenir à l'individu qui m'accompagne. |
L'homme
eut une brève période d'abattement puis, se reprenant, me dit : Il me désigna le Canalazzo puis me dit, comme en aparté afin de s'assurer que d'autres ne puissent saisir ses propos : - Car vois-tu, Monsieur Je-Sais-Tout... ma Venise à moi est une femme ! Elle baigne ses palazzi dans le liquide amniotique de ses canaux |
pour chaque
jour, les faire naître à mes regards. |
Et cette féminité omniprésente,
engloutit petit à petit mon corps qui ne cherche plus à lui échapper.
Venise est une maîtresse exigeante, absolue. |
Laisse-moi maintenant, j'ai à faire ! |