I merletti di Cenerentola
Chantal Robillard
La Cenerentola ressort tout en sueur, bonjour le gommage de la veille chez Cristina, et adieu la sérénité qu’elle croyait avoir pour toute la journée. Pourtant, elle s’est levée tôt pour terminer son travail avant le grand moment. Les autres, les veinardes, ne travaillent évidemment pas un tel jour, pour avoir le temps de se faire bien belles, de se pomponner dans le calme. Et elle qui a cru au contraire gagner du temps en faisant le maximum de préparatifs la veille, et cru qu’elle en aurait pour un tout petit quart de journée ! Mais il fallait bien donner le change à sa terrifiante marâtre qui n’est pas au courant, et à ses demi-sœurs qui n’auraient pas manqué de sentir quelque chose se tramer si elle avait demandé un jour de congé. La Cenerentola avait tout prévu, sauf cet accident stupide, ce contretemps fâcheux. Elle court maintenant vers son dernier lieu de desserte, dans ses espadrilles en cuir tressé fin d’un vert translucide, qui la blessent déjà. Et elle sent les ampoules enfler, gonfler, elle va en avoir aux deux pieds, ce sera épouvantable pour danser ce soir ! Quel était votre parfum ce soir-là, lui demandera-t-on plus tard ? Embrocation et arnica de chez Mercurochrome, madame ! Mon Dieu, mon Dieu, sa soirée sera gâchée, comment danser, comment sourire quand les pieds vous font souffrir le martyre ? |