Préface
de Pierre DEHAYE
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Comme les artistes des siècles passés, il ne prétend pas boulverser le monde, Il l'exprime, non point dans ses fureurs et ses contingences, mais dans ses permanences essentielles. Son art, assurément équilibré, n'est pas statique. Il balance d'un naturalisme échappant aux outrances de l'expressionnisme, à une élégante stylisation des formes inspirée par une volonté de dépouillement : celle-ci porte les éléments de chaque composition - traits d'un visage, geste d'un personnage, attitude d'un animal - à une signification plus profonde et plus pure. Mais cette stylisation elle-même exclut tout excès en se refusant aux abstractions qui franchissent les bornes de l'indicible. De l'un à l'autre de ces deux pôles de son oeuvre, il n'y a pas d'évolution dans le temps. Dès qu'il a atteint la maîtrise - et il l'atteignit très tôt - et qu'il parvint, en menant sa vie comme un sage, à pouvoir travailler comme bon lui semblait, Riccardo Scarpa imprime à son oeuvre ce va-et-vient entre naturalisme et stylisation, suivant une amplitude une fois pour toute mesurée. Ainsi, calmement naturaliste, ce beau Buste de bébé en terre cuite, de 1930, aussi bien que le buste de Montherlant en 1974 ; ainsi, formes épurées jusqu'aux limites que Riccardo Scarpa s'est fixées, l'Annonciation (1964), la Danseuse (1975) ou l'Idole (1977). Et, entre ces deux termes, s'égrène tout un chapelet d'oeuvres harmonieuses, parmi lesquelles je citerai la Semeuse (1933), la Tête de Géorgienne (1943), le Négrillon au vase (1943), l'Ethiopienne (1947), le Fruit vert (1950), et la Promesse (1972).
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