Saint-Marc sauvé des eaux

La crypte de la cathédrale Saint-Marc, à Venise construite entre le IXe et le XIe siècle, et qui abrite le tombeau du saint, était fermée au public depuis l'année... 1580. La raison: des infiltrations d'eau. Plusieurs tentatives avaient eu lieu, notamment au siècle dernier, pour colmater les interstices et étancher les soubassements de l'édifice. Un moment on crut avoir réussi, suite à des injections de ciment qui semblaient tenir, et la crypte fut même rouverte au cours de l'année 1888. Mais très vite l'eau revint, et on abandonna la partie. Pour un siècle de plus, le tombeau du saint patron de la Cité des Doges redevint une sorte de cloaque indigne: sol recouvert d'environ un mètre d'eau, suintements d'humidité ravageant les fresques des parois, atmosphère imprégnée d'une odeur nauséabonde due à la décomposition de matières organiques transportées par l'eau à travers les fondations... Et la situation ne cessait d'empirer. Jusqu'au jour de 1986 où la société Rhône-Poulenc eut l'idée, au titre de ses activités de mécénat, de proposer ses technologies de stabilisation des sous-sols et d'étanchéisation par injection de «coulis chimiques». Ces méthodes avaient notamment fait leurs preuves lors de la construction de nombreux métros à travers le monde, à Paris, Madrid, Londres, Caracas et Hongkong, ainsi que dans la stabilisation des sols avant des constructions importantes comme les barrages. Avec la collaboration de la procuratie de Saint-Marc, Rhône-Poulenc fit le tour de toutes les solutions possibles (gels de silicate avec ou sans pression, résines acryliques, phénoliques, etc.). On s'arrêta au choix du Rocagil une résine acrylique polymérisable, et en 1987 les premiers essais étaient entrepris. Dès 1990, en dépit de marées importantes, on pouvait enregistrer des résultats probants, et il fut décidé de poursuivre les injections jusqu'à étanchéité totale. C'est chose faite: la crypte est complètement assainie. Actuellement on procède à la restauration des murs, voûtes et fresques sans oublier le tombeau lui-même, et on installe un système de conditionnement d'air. La crypte sera enfin rendue au public et au culte en 1994, année du millénaire de la basilique vénitienne.

Le Nouvel Observateur du 16/12/93                                                    Retour diaporama